Elle ne l\'entendit pas arriver. A vrai dire, la seule chose qui lui permit de constater sa présence fut l\'ordre sec qu\'il lui lança, ordre qui la fit littéralement sursauter. Arrête de te perdre constamment dans tes pensées idiote, ça va finir par te tuer.
Bien que légèrement lente dans tout ce qu\'elle faisait, elle s\'arrangea pour que sa levée soit rapide et adressa un bref coup d’œil à Andrew. Il avait l\'air contrarié. De quoi au juste? Elle commençait à songer qu\'il était inutile d\'essayer de comprendre ce qui contrariait cet homme et ne le contrariait pas. De toute manière se dit elle, si il était aussi agacé qu\'elle ne le craignait, elle le saurait vite.

Elle l\'observa prendre son repas avec une fascination horrifiée, mélange de deux sentiments totalement contradictoires qui provoquèrent en elle un mélange d\'admiration et de dégoût. Bien qu\'elle tente de toutes ses forces de la repousser, la pensée d\'une documentaire animalier sur la chasse des grands fauves s\'imposa à elle. Elle dut prier le ciel pour qu\'il ne soit pas capable de manger et d\'inspecter son esprit en même temps, parce qu\'elle doutait que cette pensée ne le ravisse. Mais c\'était tellement ça. L\'homme fut mort en moins d\'une minute, et la rapidité sauvage avec laquelle Andrew exécuta l\'individu contrastait affreusement avec la distinction dont il faisait habituellement preuve. Alors c’était ça la bestialité vampirique? Cet état de prédateur dont parlait certains livres... Livres qu\'elle n\'avait parcouru d\'ailleurs que vaguement, elle n\'avait jamais eu grand intérêt pour les forces du mal. Elle ne jurait que par la pensée humaine. Mais malgré l\'horreur qu\'elle éprouvait devant une telle scène, la culpabilité qu\'elle ressentait de savoir qu\'elle était entrain de participer au meurtre d\'un homme qui n\'avait commis pour crime que d\'être stupide et enragé, elle ne put s\'empêcher de trouver à nouveau Andrew magnifiquement surréaliste. Elle n\'avait jamais été capable de trouver quoique ce soit de beau chez les humains, mis à part ce qu\'elle pouvait en voir dans les livres. Mais lui... C\'était autre chose. La mort, la vie, l\'humain... Il était totalement en dehors de tout ça. Libre de toute contrainte humaine, et entravée par sa condition de créature des ténèbres. Un individu autre de tout ce qu\'elle avait connu jusqu\'à lors qui poussa une fois de plus sa curiosité au point qu\'elle eut à nouveau envie de lui poser une foule de questions aussi inutiles qu\'improbables.

Cependant, lorsqu\'il se redressa, dévoilant avant de l\'essuyer un peu de sang perlant au coin de ses lèvres, elle sentit une telle décharge électrique lui parcourir le corps, à tel point qu\'elle en oublia toutes les questions qui venaient de fuser dans sa tête. C\'est fou comme le cerveau humain est capable de faire preuve de vivacité quand il s\'agit de connecter des éléments qui n\'ont rien à voir avec les autres. Cette simple goutte de sang qui disparut sous le geste d\'Andrew la plongea pendant quelques secondes dans un tel état d\'angoisse qu\'elle crut que le sol s\'effondrait totalement sous ses pieds. Ce sang, tout ce sang, toute cette hémoglobine... D\'un coup, elle entendit le fracas de la voiture qui rentre dans le fossé, elle revécut le rire de sa mère avant que tout cela n\'arrive, se rappela la phrase que le vampire avait prononcé avant que sa vie ne bascule... \"Ta mère nous avait promis une livraison sans encombre...\" \"Je vais enfin pouvoir me débarrasser de toi\" Et cet accident, ce sang, cette morte juste à côté d\'elle, s amère , morte, par sa faute, uniquement par sa faute, ce sang, ces hommes, ce rire, ce sang, ce...
Stop!!!!

Le voix d\'Andrew la ramena à la réalité, par Dieu sait quel miracle. Affolée, elle vérifia que malgré la crise, son cœur allait se remettre à battre et e chercha du regard. Il avait changé de place. Il était sur le canapé. Oh Seigneur, faite qu\'il ait tout juste commencé à parler.
Elle dut se faire violence pour sentir à nouveau le sol sur ses pieds et trouver un sens aux paroles qui s\'échappaient de la bûche du vampire. Elle commença tout juste à réaliser à quel point son horreur pour l\'hémoglobine allait être handicapante. Un ordre parvint à son cerveau. Assis toi... Sans hésiter, elle s\'exécuta, comptant les pas qui la menaient au fauteuil pour ne pas s\'effondrer, et tomba presque plus qu\'elle ne s\'assit. Elle avait conscience que même pour lui, elle devait être pâle comme un mort. Elle ferma les yeux, juste deux secondes, et se concentra sur ce qu\'il disait. C\'était en rapport avec cette capture stupide. Elle n\'avait pas voulut que ça se passe comme ça... Elle fut bien tentée de s\'excuser mais elle prit plutôt le parti de se taire. Le temps de pause qu\'il prit l\'aida d\'ailleurs à remettre ce qu\'elle avait entendu dans le bon ordre... Il s\'inquiétait pour sa santé. Aussi dingue que cela puisse paraître, elle en fut touchée, presque rassurée Combien de fois lui avait on dit que personne n\'avait le droit de lui faire du mal? Ben... zéro. Elle sentit une bouffée excessive de reconnaissance l\'envahir, à tel point qu\'elle ne fut presque pas effrayée par sa remarque quant au fait qu\'il pourrait lui arriver malheur si elle faisait quelque chose de mal. Euh... Quelque chose comme manquer de s\'évanouir par exemple? Elle ressentit à nouveau cette gêne teintée de culpabilité. Non, vraiment, elle ne pouvait pas continuer cette imposture. Le pauvre avait cru avoir un signe alors qu\'il n\'avait hérité que du vilain petit canard...

Le suite la plongea dans un état de terreur glacée. D\'abord parce qu\'elle ne comprit pas pourquoi il lui reprochait une humilité qu\'elle avait estimé appréciable, ensuite parce qu\'elle se rendit compte que le hurlement qu\'il poussa presque vers la fin de sa phrase n\'était qu\'un aperçu de la colère qui pouvait l\'animer. Elle lui lança un regard à la fois tétanisé et incrédule, et ouvrit la bouche pour marmonner une tentative d\'excuse mais aucun son ne parvint à sortir de ce stupide appareil phonatoire. Elle baissa les yeux et pria pour obtenir en un rien de temps la capacité de disparaître par la simple force de l\'esprit, prière qui ne se réalisa bien sûr pas. Elle serra les dents pour étouffer quelque chose qui pouvait s\'apparenter un gémissement de terreur et attendit sagement la suite, les mains crispées sur la jupe de sa robe. Oh, un compliment. Elle releva les yeux vers lui et tenta une esquisse de sourire de remerciement. Finalement, ce n\'était pas une si mauvaise idée, cette capture improvisée. Et il avait bien dormi. Heureusement.... Elle avait passé plus de dix minute à vérifier que les rideaux étaient correctement tirés, elle espérait bien qu\'il avait bien dormi! Cela étant, une bouffée de reconnaissance envahit son cœur et la prépara à ce qui suivit.

Ce fut d\'ailleurs bien plus calme, et en parfaite contradiction avec le début. Il venait de l\'apeurer complètement, et expliquait maintenant qu\'il désirait qu\'elle ne se sente pas mal à l\'aise. Il avait insinué qu\'elle était une race inférieure, qu\'il avait le droit de lui faire du mal si elle n\'agissait pas parfaitement correctement et lui demandait qu\'est ce qu\'elle pensait qu\'il pourrait lui faire. Et ce avec un sourire parfaitement confiant. Qu\'est ce ne que...?

Elle se risqua à le regarder, et malgré une angoisse prononcée, et de s\'apaiser au vu des traits de son sourire. Il était étrange d\'accord... Mais, comme il le disait, il n\'était pas Satan. Elle ne comprenait pas la moitié de ses réactions, mais ça viendrait non? Et puis, quand il était calme, il possédait un tel charme que son regard aurait pu calmer n\'importe quel cœur aussi innocent que celui de la demoiselle. La peur laissa de nouveau place à un attrait curieux et elle inspira calmement pour construire une réponse intelligible. Elle sentait dors et déjà qu\'elle allait devoir s\'exprimer bien plus qu\'elle ne l\'avait jamais fait en 18 ans de vie... Mais tant pis, il attendait une réponse, et étant de bonne volonté, elle allait lui en fournir une. Elle laissa un sourire songeur étirer les traits de son visage et plongea son regard au fond des iris sombrement transperçant de l\'homme avant de répondre d\'une voix un peu intimidée.

\"Venant d\'un homme qui vient d\'aspirer le sang d\'un autre, cette question est assez surprenante\"

Eh ben, voilà qu\'elle faisait de l\'humour. On progresse ma grande. Avec un peu de chance, d\'ici une dizaine d\'année, tu seras presque capable d\'entretenir des relations humaines.
Elle prit une nouvelle inspiration, et son regard dévia vers un point invisible devant elle, avant qu\'elle ne reprenne sur un ton plus ou moins neutre.

\"Vous pourriez me tuer, tout simplement. Je n\'ai pas tant peur de la mort... Partant du principe que j\'aurais du mourir il y a un mois, la faucheuse m\'est plus familière qu\'il n\'y paraît. Mais je suis humaine... La crainte de mourir est intrinsèque à ma nature. Et puis... Vous m\'intimidez plus que vous ne m\'effrayez à vrai dire.
Je m\'excuse si... Si mon intimidation face à un environnement si étranger a pu vous incommoder, de quelque manière que ce soit. Ce n\'était pas dans mon intention. Ce qu\'il y a c\'est que... je ne suis pas douée. Je n\'ai jamais entretenu aucune relation d\'aucune sorte, et la perspective de devoir en entretenir une avec vous, même si elle se limite à une pure servitude me terrifie totalement. En plus de ça, je suis une fervente adepte de philosophie, et cet esclavagisme contredit absolument tout ce que j\'ai pu apprendre. Les humains ont mit 2000 ans à admettre que tout homme avait une conscience, et que cette conscience lui octroyait une dignité qui empêchait tout asservissement. Les vampires piétinent les fondements même de la société dans laquelle j\'ai grandi, à tort ou à raison d\'ailleurs, là n\'est pas la question. Ce que j\'essaye de dire, de manière très confuse j\'en conviens, c\'est que c\'est une situation totalement étrangère pour moi. D\'une part parce que vous me demandez à peu près la seule chose qu\'on ne m\'ait jamais demandé, à savoir d\'exister, et d\'autre part parce que vous me mettez dans une situation qui ne me dérange pas, mais qui contredit tout ce que j\'ai pu assimiler\"

Elle se tut. Elle n\'avait pas fini, mais estimait qu\'il lui fallait reprendre un peu de souffle et remettre le peu d\'ordre dont elle était capable de faire preuve au sein de son cerveau. Son regard glissa de nouveau vers Andrew et malgré une maladresse évidente, ce fut sans malaise qu\'elle parvint à ajouter.

\"Aussi étrange que cela puisse paraître, je suis heureuse de ce qui vient de m\'arriver. Ma vie avant cette capture était bien pire que ce que vous pourriez me faire. Il y a dans cette maison bien plus de richesse culturelle que je n\'aurais osé l\'imaginer, et vous même êtes une telle source de savoir et de fascination pour moi que ce que vous exigez de ma part me semble un moindre mal mais... J\'ai peur voilà tout. Pas de ce que vous pourriez faire, mais de ce que moi je ne peux pas faire. Vous finirez bien par vous rendre compte que ce que je n\'ai rien à vous apporter. Croyez moi... Si les humains sont une insulte à votre race, moi je suis une insulte à la race humaine. Et plus que de vous mettre en colère, je crains de finir par vous décevoir réellement.\"

Ok. By Bella